Commentaire du livre
Philip Dick avec Jacques Lacan. Clinique psychanalytique comme science-fiction
Fabián Schejtman / Grama 2018 / 250 p.
Juan Jorge Michel Fariña jjmf@psi.uba.ar

Un enfant joue avec son père dans un parc. Ils sont heureux. Mais d’un jour à l’autre, aux yeux de son fils, cet homme commence à éprouver des changements. Et c’est alors que le petit Charlie devra commencer à prendre des décisions cruciales dans sa vie. L’épisode s’appelle « The Father Thing », et intègre les histoires de science-fiction de Philip K. Dick, présentées à l’écran dans la série Electric Dreams. Quoi de la « Chose » du père doit tuer l’enfant pour commencer à devenir un sujet ?

Dans une autre histoire, « The Hood Maker » qui se déroule dans un monde de plus en plus limité technologiquement, les télépathes mutants sont devenus le seul dispositif de communication à distance pour l’humanité. Suivant la ligne d’une autre de ses grandes histoires, « Minority Report », Dick présente la valeur analytique de la Pythie, qui face à la contingence doit s’inventer elle-même dans un avis qui, en l’incluant dans la scène, la fait disparaître.

Personne n’est mieux indiqué que Fabián Schejtman pour nous introduire dans la littérature de Philip K. Dick et dans la valeur clinique de sa fantasmatique. Lecteur studieux de l’œuvre de l’écrivain américain, il a déjà anticipé dans ses cours et des forums les belles lectures qu’il officialise maintenant dans l’écriture de ce livre.

Il fait appel pour cela à l’élégance de la plume cursive pour redoubler son pari fictionnel :

Philip Dick rencontra Jacques Lacan deux fois. À Chicago, aux États-Unis, en 1966 et à Lille, en France, en 1977. Le premier fut un événement complètement inattendu, le second, délibérément recherché par l’écrivain. À Chicago, le hasard et un brin de curiosité menèrent Dick jusqu’à Lacan ; ce fut, en revanche, son délire qui le poussa à Lille, pressé de retrouver le psychanalyste français.

Et il revient à la rigueur de la lettre ronde, en indiquant ainsi que l’analyste est au moins deux :

Dans ce livre, les rencontres de Dick avec Lacan sont tressées, avec délicatesse et précision, avec les développements qui permettent d’aborder le noyau de la vie et de l’œuvre de celui qui fut l’un des grands écrivains de science-fiction du XXème siècle. Encadré dans une recherche sur la variété clinique de la psychose à travers la perspective du dernier enseignement de Jacques Lacan, à cette occasion, Fabián Schejtman fait de Philip K. Dick un cas de la psychanalyse, en d’autres termes, il le laisse tomber dans un champ qui lui est propre : celui de la « science-fiction ».

Le livre, paru en juillet 2018, est déjà incontournable pour les vacances d’hiver pour ceux qui souhaitent trouver dans un même travail la rigueur méthodologique et, en même temps, la poésie et l’imagination. Les amateurs du bien dire seront également surpris par l’entrée d’un genre singulier. Au-delà de l’essai classique, nommé par Ortega y Gasset « science sans preuve explicite » ou par Alfonso Reyes comme « le centaure des genres » et par Eugeni d’Ors, la « poétisation de la connaissance », Fabián Schejtman offre maintenant une torsion à travers sa belle lecture clinique.

Psychanalyste, universitaire et chercheur, Schejtman avait déjà reçu en 2015 le Prix national de la culture dans la catégorie essai psychologique pour son travail « Sinthome : essais de clinique psychanalytique nodale ». Dans ce nouveau livre, « Philip Dick avec Jacques Lacan », il va plus loin en enrichissant son pari initial. Il reprend ainsi l’enseignement de la psychopathologie, en rendant au délire son véritable statut non pas une déviation de la normalité, mais quelque chose digne d’être élevée à la catégorie philosophique : un geste de (re) nouage possible pour l’existence humaine.



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